Chercher

Transformer bureaux et bâtiments en logements : ce que change la loi du 16 juin 2025

La crise du logement s’intensifie en France, alors même que des millions de mètres carrés de bureaux sont vacants. Pour répondre à cet enjeu, le législateur a adopté une nouvelle loi ambitieuse : la loi n°2025-541 du 16 juin 2025. Ce texte vise à faciliter la transformation des bureaux et autres bâtiments non résidentiels en logements, en introduisant plusieurs assouplissements dans le Code de l’Urbanisme et au-delà.

Une dérogation inédite au PLU pour le changement de destination

L’un des apports majeurs de cette loi est la création d’un nouvel article L152-6-5 du Code de l’Urbanisme. Il offre désormais la possibilité aux autorités locales de déroger aux règles du Plan Local d’Urbanisme (PLU) pour autoriser le changement de destination d’un bâtiment non résidentiel vers l’habitation.

Cette mesure concerne aussi les extensions et surélévations dans le cadre de la transformation. Mais elle n’est pas automatique : la dérogation peut être refusée en cas de risques avérés pour les futurs occupants (nuisances, accessibilité insuffisante aux transports collectifs ou doux), ou si le projet compromet la mixité sociale ou la capacité scolaire locale.

En zones agricoles et naturelles, cette possibilité est encadrée par des avis conformes spécifiques :

  • En zone agricole, l’avis conforme de la Commission départementale de préservation des espaces agricoles, naturels et forestiers est requis.
  • En zone naturelle, c’est celui de la Commission départementale de la nature, des paysages et des sites.

Enfin, pour les bâtiments à usage agricole ou forestier, la dérogation n’est permise que s’ils sont inactifs depuis plus de 20 ans.

Vers plus de souplesse sur la surface minimale des logements

Autre levier de transformation : l’article L152-6-6 nouvellement introduit permet, dans le cadre d’un changement de destination vers l’habitation, de déroger à la règle de surface minimale des logements, telle que définie à l’article L151-14 du Code de l’Urbanisme.

Cette souplesse vise à encourager la réutilisation de bâtiments existants parfois difficiles à adapter aux normes actuelles sans travaux lourds. Elle s’inscrit dans une logique d’urbanisme de transition, plus pragmatique et adaptée aux contraintes du parc existant.

Un permis de construire à destinations multiples

La loi introduit également un outil juridique inédit : le permis de construire à destinations multiples (article L431-4 du Code de l’Urbanisme). Il permet à une commune, sur avis conforme du conseil municipal, de délimiter des secteurs dans lesquels un même bâtiment pourra changer de destination plusieurs fois sur la durée, sans dépôt de nouveaux permis.

Concrètement :

  • Le permis reste délivré dans les conditions de droit commun ;
  • Il peut anticiper les futurs usages du bâtiment sur une période pouvant aller jusqu’à 20 ans ;
  • Le dossier devra toutefois comporter les justificatifs de conformité pour chacun des usages futurs envisagés ;
  • Chaque changement de destination devra être déclaré au maire, même sans nouvelle autorisation.
  •  

Ce dispositif est particulièrement pertinent pour des projets hybrides ou évolutifs, mêlant par exemple logement, activité ou équipement, et vise à répondre à l’évolution des besoins urbains dans le temps.

Des ajustements dans le Code de l’Urbanisme

Au-delà de ces trois piliers, la loi du 16 juin 2025 modifie plusieurs articles existants pour accompagner le mouvement.

L’article L332-11-3 est notamment modifié pour permettre le recours au Projet Urbain Partenarial (PUP) dans le cadre des transformations de bâtiments, même sur la base d’une déclaration préalable (et non plus seulement d’un permis de construire). Le PUP devient également accessible aux maîtres d’ouvrage, alors qu’il était initialement réservé aux propriétaires, aménageurs et constructeurs.

Cette ouverture vise à favoriser les coopérations public-privé, notamment dans les opérations nécessitant des aménagements d’infrastructures ou d’espaces publics.

Une action coordonnée dans d’autres codes

La réforme va au-delà du Code de l’Urbanisme :

  • Le Code Général des Collectivités Territoriales (article L1231-2) est modifié pour confier à l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires (ANCT) une mission d’accompagnement des collectivités locales dans leurs projets de transformation de bâtiments en logements.
  • Le Code de la Commande Publique (article L2171-2) est adapté pour permettre aux CROUS (centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires) de recourir à des marchés de conception-réalisation, à l’instar des bailleurs sociaux, sans passer par les étapes classiques exigées.

Ces ajustements traduisent une volonté d’intégrer tous les échelons de la puissance publique dans ce nouveau modèle de production de logements.

Une loi à fort potentiel pour la ville de demain

Cette réforme marque un tournant dans la manière d’aborder la fabrique urbaine. Plutôt que de construire toujours plus en extension, elle valorise l’existant, réduit l’artificialisation des sols, limite les démolitions et contribue à une ville plus durable et réversible.

Cependant, son efficacité dépendra de l’implication des collectivités locales, de la qualité des projets proposés, et de la bonne articulation entre les dérogations et les objectifs d’intérêt général (mixité, confort, qualité urbaine…).

Sources :

  • Loi n°2025-541 du 16 juin 2025
  • Code de l’Urbanisme
  • Code Général des Collectivités Territoriales
  • Code de la Commande Publique